
Des maladies sexuellement transmissibles inoculées à des gens vulnérables - dont des malades mentaux - par des scientifiques pour tester un médicament... Les faits se sont réellement déroulés il y a soixante ans au Guatemala et les scientifiques en question étaient américains. Ce qui a amené Washington à présenter vendredi des excuses à des centaines de Guatémaltèques infectés par ces MST dans le cadre d'une étude menée par le gouvernement américain. La Guatemala n'a pas hésité à parler de «crime contre l'humanité». Cette étude, qui n'a jamais été publiée, était restée secrète jusqu'alors. Elle a été rendue publique cette année après qu'une professeur du Wellesley College, soit tombée par hasard sur des documents d'archives mentionnant l'expérimentation menée par le docteur controversé américain John Cutler. Ce dernier, décédé en 2003, s'était séjà illustré dans une autre étude tout aussi contraire à la déontologie, appelée l'expérimentation de Tuskegee. Pendant des années, en Alabama, des noirs atteints de syphilis ont été suivis dans le cadre de cette étude sans savoir s'ils étaient porteurs de la maladie et sans être soignés. L'étude, menée de 1946 à 1948 au Guatemala, était «clairement contraire à l'éthique» et «répréhensible», ont déclaré la secrétaire d'Etat Hillary Clinton et la ministre de la Santé Kathleen Sebelius. 1 500 cobayes contaminés à leur insu Environ 1 500 personnes ont participé à cette expérimentation qui avait pour objectif de déterminer si la pénicilline, dont on commençait tout juste à se servir, pouvait être utilisée pour prévenir des maladies sexuellement transmissibles (MST). Les chercheurs avaient choisi comme cobayes des personnes vulnérables, y compris des malades mentaux, et ne les ont informées ni de l'objet de leur recherche, ni de ce qui allait leur arriver. Ils les ont encouragés à transmettre des maladies sexuelles et n'ont pas traité ceux d'entre eux qui ont contracté la syphilis. Au moins l'un des patients est mort pendant que l'étude était menée, sans qu'il soit établi si l'expérience est elle-même à l'origine de son décès. «Ce qui est arrivé à l'époque est un crime contre l'Humanité et le gouvernement se réserve le droit de porter plainte», a réagi le président guatémaltèque Alvaro Colom, qui a été informé jeudi par Mme Clinton. «Nous regrettons profondément» Le président américain Barack Obama a, lui, exprimé au cours d'une conversation téléphonique «ses plus profonds regrets» et a présenté «des excuses à tous ceux qui ont été touchés», a rapporté le porte-parole de la Maison Blanche Robert Gibbs dans un communiqué. M. Obama a aussi «réaffirmé l'engagement inébranlable des Etats-Unis pour que toutes les études médicales menées sur l'homme aujourd'hui remplissent les critères éthiques et juridiques exigeants des Etats-Unis et internationaux», a ajouté M. Gibbs. D'abord des prostituées, puis des soldats et des malades mentaux Dans un premier temps, les chercheurs ont inoculé la syphilis ou la blennorragie à des prostituées, les laissant ensuite avoir des rapports sexuels avec des soldats ou des détenus. Dans une deuxième phase, «voyant que peu d'hommes étaient infectés, l'approche de la recherche a changé et a consisté à inoculer (ces maladies) directement à des soldats, des prisonniers et des malades mentaux», selon des documents décrivant l'étude. Francis Collins, directeur des Instituts nationaux de la santé (NIH), a qualifié l'étude de «profondément inquiétante», parlant «d'un exemple révoltant d'un chapitre noire de l'histoire de la médecine». Il a souligné que le directeur de la Santé américain de l'époque, Thomas Parran, avait été vraisemblablement mis au courant de l'expérimentation.
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