
La démission et les accusations de Nicolas Hulot ont ravivé la polémique sur les liens entre pouvoir et intérêts économiques. Elysée, conseillers, parlementaires : enquête sur une majorité pro business.
« La présence des lobbys dans les cercles du pouvoir. » L’accusation est forte, surtout lorsqu’elle émane d’un des principaux ministres du gouvernement. Alors qu’il annonce sa démission fin août, Nicolas Hulot, en charge de la Transition écologique et solidaire, dénonce l’influence de Thierry Coste, habitué à murmurer à l’oreille des présidents. Sa présence à une réunion à l’Elysée avec Emmanuel Macron, au côté du patron de la Fédération des chasseurs et en présence de ministres, aurait été la goutte d’eau qui a poussé le ministre à démissionner. » La réunion s’est très bien passée, Hulot a réécrit l’histoire de ce rendez-vous, c’est un menteur « , proteste Coste, qui a tout de même obtenu une baisse de moitié du prix du permis, et l’extension du droit de chasse.
Déjà, lors du précédent quinquennat, Nicole Bricq puis Delphine Batho avaient vu la main des lobbys pétroliers derrière leur éviction du ministère de l’Ecologie. « Ce qui est inédit, c’est de convier des représentants d’un groupe d’intérêts à une réunion de travail à l’Elysée, avec le président, confie un ex-conseiller des cabinets Hollande. Cela ne peut qu’affaiblir le ministre présent. » La venue de Coste tient sans doute au statut particulier dont il jouit auprès du chef de l’Etat, qui en avait fait son conseiller durant la campagne. Cette situation ambiguë a déchaîné les accusations de collusion avec les intérêts privés, dirigées contre l’ex-banquier de Rothschild. Alors, la Macronie inaugurerait-elle un âge d’or des lobbys ?
Ouverture aux lobbys
Au début, ces derniers se sont frotté les mains en voyant arriver au pouvoir ce président pro business, libéral convaincu, et sa cohorte de ministres et de députés issus des entreprises. « Il connaît parfaitement les affaires économiques, il est donc sensible aux bons arguments de ses interlocuteurs, note Julien Vaulpré, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, qui pilote le cabinet Taddeo. L’Elysée ne reçoit pas tout le monde, mais si l’on arrive avec un dossier solide, les sujets avancent. » Fait inédit, le Premier ministre Edouard Philippe et le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, ont eux-mêmes exercé comme lobbyistes au sein des groupes Areva et Unibail, tandis que plusieurs députés viennent de cabinets de lobbying ou de syndicats professionnels. C’est le cas de Mohamed Laqhila, ex-président de la Fédération nationale des experts-comptables, qui a été pris à partie, en séance publique, pour avoir déposé des amendements en faveur de son ancienne profession.
Le recrutement d’Audrey Bourolleau comme conseillère agricole à l’Elysée est le cas le plus caricatural. Elle aussi a conseillé Emmanuel Macron durant la campagne, alors qu’elle dirigeait Vin & Société, l’organe de lobbying de la filière viticole. La Revue des vins de France l’avait élue personnalité de l’année pour avoir bataillé contre le « lobby sanitaire » et évité un renforcement de la loi Evin, qui encadre la publicité. Les observateurs ont reconnu sa patte dans la sortie du président au Salon de l’agriculture : « Moi, je bois du vin midi et soir. Je crois beaucoup à la formule du président Pompidou : “Je demande qu’on arrête d’emmerder les Français”. » Et Macron d’ajouter : « Tant que je serai président, il n’y aura pas d’amendement pour durcir la loi Evin. »
Le chef de l’Etat assume son soutien à certains secteurs et ne craint pas de s’afficher avec les lobbys. En juillet, il a ainsi profité de la venue à Paris du Dolder, un club ultra-discret de la « big pharma », pour convier à dîner 25 patrons de laboratoires. Le lendemain, Edouard Philippe s’engageait à réduire les procédures administratives et raccourcir les délais d’autorisation de mise sur le marché des médicaments. « On sent une volonté de redresser l’industrie et une ouverture sur le monde de l’entreprise », s’enthousiasme Philippe Lamoureux, directeur général du Leem, le lobby français des labos. Rien ne dit toutefois que ces promesses survivront au prochain budget de la Sécurité sociale.
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