Tours (Loiret)
AUJOURD'HUI et demain, le tribunal correctionnel de Tours juge un réseau d'utilisateurs d'images à caractère pédophile. Parmi les 14 prévenus, poursuivis pour « captation, transmission, diffusion et détention d'images à caractère pornographique de mineurs », figure Michel Joubrel, 52 ans, ancien substitut général à la cour d'appel de Versailles, fils de magistrat et père de famille. Ce haut magistrat à la carte de visite impressionnante a été de 1998 à 2002 membre du Conseil supérieur de la magistrature, après avoir dirigé l'USM (Union syndicale de la magistrature, syndicat majoritaire).
En mai 2003, les gendarmes de la section de recherche d'Orléans procédaient à un coup de filet dans 38 départements et démantelaient un réseau d'internautes.
Ils interpellaient un étudiant tourangeau de 19 ans, gestionnaire d'un site. Aux enquêteurs, Kévin expliquait avoir créé ce forum « parce qu'il était attiré par ce type d'images ». La mémoire informatique de son ordinateur permettait d'identifier un peu plus de soixante personnes qui s'étaient connectées régulièrement sur le forum. On y retrouvait des éducateurs, un prêtre, un surveillant, des enseignants, un polytechnicien et Michel Joubrel, magistrat.
Lors de ce coup de filet, Michel Joubrel était interpellé à son domicile. Mis en examen, il était placé sous contrôle judiciaire. Suspendu de ses fonctions, il a été mis à la retraite d'office en septembre 2004 puis radié en février 2005. Cette arrestation suscitait alors de nombreux commentaires.
Dominique Perben, le garde de Sceaux de l'époque, mettait en place une commission chargée d'émettre des propositions sur l'éthique des juges. Les investigations policières ont permis d'établir que, parmi les 155 pseudonymes identifiés sur ce forum, trois avaient été ouverts par Michel Joubrel. Il se faisait appeler David, Kevin-Mahel ou encore Erwan. Lors de son arrestation, il a tenté de minimiser sa responsabilité en affirmant « qu'une autre personne avait utilisé son mail, à son insu ».
Michel Joubrel encourt cinq ans de prison
Mais des perquisitions menées à son domicile, dans son bureau à la cour d'appel de Versailles puis dans sa résidence secondaire de Bretagne attestaient que c'était bien lui qui avait téléchargé ces clichés, ce qu'il finissait par reconnaître, prétendant « avoir échangé ces photos non par voyeurisme mais par curiosité maladroite ». Devant le juge Paoloni, il soutenait « que ces images avaient dû lui parvenir par courrier électronique mais qu'il n'effaçait jamais les messages reçus ». Les enquêteurs relèveront qu'il avait stocké 16 330 fichiers photo ou vidéo et qu'indiscutablement 5 600 représentaient des mineurs impliqués dans des scènes pornographiques. Les images étaient classées méthodiquement dans divers répertoires. Lors de l'instruction, le magistrat a aussi assuré que ses recherches allaient vers « la belle photo de charme ». Aujourd'hui, il encourt une peine de cinq ans de prison et une forte amende. Trois associations de protection de l'enfance se sont constituées parties civiles.
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