"Dire que les francs-maçons sont les marionnettistes de la vie politique, ce n'est pas une réalité"
Ce jeudi, plusieurs loges de France tiennent une conférence de presse sur la présidentielle. Si les francs-maçons n'ont pas de consigne de vote, Laurent Kupferman, franc-maçon depuis 1993 et auteur de plusieurs livres sur le sujet, rappelle que la franc-maçonnerie a toujours exclu toute position extrémiste.
Laurent Kupferman est franc-maçon, il est l'auteur de 3 minutes pour comprendre la franc-maçonnerie (Ed. Le courrier du livre):
"La franc-maçonnerie n'est pas un parti politique. Les francs-maçons et les francs-maçonnes sont des personnes qui ont une totale liberté de conscience, il n'y a pas d'idéologie. Néanmoins, il est de tradition d'exclure toutes les pensées extrémistes. Donc, on peut supposer qu'il y aura probablement un appel à ne pas céder aux tentations populistes.
Toutes les opinions politiques sont représentées dans les obédiences, hormis le Front national, ou en tout cas c'est très résiduel. Ce n'est pas dans la tradition maçonnique d'être dans des positions extrémistes.
Je pense qu'il y a pas mal de franc-maçons mélenchonistes, mais je pense qu'il y en a tout autant qui vont voter pour Macron ou pour Fillon ou pour Hamon. Peut-être qu'il y a en aura un peu plus qui voteront pour Mélenchon parce qu'il a su toucher des éléments sensibles sur les questions de laïcité, de la République.
Quand un conseil de l'ordre ou un grand maître donne un avis ça n'engage pas les frères et les sœurs qui composent l'obédience. C'est leur rôle de vigie de prendre parfois position. C'est vrai qu'il y a un péril qu'il mettrait en cause pas mal des valeurs auxquelles on croit.
"Il y a des tendances politiques qui évoluent selon les époques"
Grosso modo on peut dire qu'il y a un peu plus de gens de gauche au Grand Orient et un peu plus de gens de droite à la grande loge nationale française, mais de là à vous dire que tout le monde vote à gauche ou à droite selon les loges, c'est faux. Il y a des tendances politiques qui évoluent selon les époques.
La franc-maçonnerie agit plutôt sur le temps long. On peut aborder des questions qui relèvent de la politique mais de la politique avec un grand P: les questions de bioéthique, les questions environnementales, mais on ne va pas dans le temps court. On ne va pas faire de campagne pour un candidat. La laïcité est typiquement un thème défendu par une grosse partie de la franc-maçonnerie, c'est la liberté absolue de conscience. Les droits des femmes, des homosexuels et des minorités sont aussi des thématiques auxquelles les francs-maçons sont très attachés.
Ce qui fait la maçonnerie, c'est rassembler ce qui sépare, rassembler des hommes et des femmes de toutes origines, de toutes pensées différentes. Forcément on ne peut pas prendre des positions partisanes.
"C'est une société de pensée qui a son influence, parmi d'autres"
Sous la 3e République, les francs-maçons ont eu une réelle influence, mais aujourd'hui, ce n'est plus comme avant. C'est une société de pensée qui a son influence, parmi d'autres.
Dire que les francs-maçons sont les marionnettistes de la vie politique, ce n'est pas une réalité. Après il y a des grandes figures de la maçonnerie: Jules Ferry, Gambetta, Jean Zay, Pierre Brossolette, mais aujourd'hui à part Jean-Luc Mélenchon et Manuel Valls - qui s'est retiré -, on est loin d'être dans la situation de la 3e République. Il n'y a jamais eu de président franc-maçon sous la 5e République, par exemple.
C'est vrai que comme c'est une structure qui intrigue, on lui prête des desseins secrets, mais dans la réalité celles et ceux qui fantasment sur la franc-maçonnerie seraient un peu déçus s'ils voyaient que c'est une structure parmi d'autres.
La maçonnerie est une méthode de travail où la parole circule. Quand un sujet est abordé, on laisse celui qui s'exprime aller jusqu'au bout, ce qui est rare de nos jours, et ensuite on demande la parole. Ce n'est pas le foutoir, la franc-maçonnerie, c'est très ordonné".
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