Consentement sexuel : la loi ne pose pas de limite d'âge
Les associations de protection de l’enfance regrettent que la loi ne soit pas plus claire.
Objet de controverse, source de débats houleux depuis plus d’un an, la question de l’âge minimal du consentement sexuel a finalement été écartée. Un temps défendue par le gouvernement, la présomption de non-consentement des moins de 15 ans est la grande absente du projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles, voté mercredi par l’Assemblée nationale.
Une «déception» pour la plupart des associations de protection de l’enfance, qui demandaient à ce que toute pénétration sur un enfant soit considérée comme un viol, sans que la victime ait à prouver la «violence, menace, contrainte, ou surprise», comme elle doit le faire aujourd’hui. Jeudi, plusieurs collectifs, dont le Conseil français des associations pour les droits de l’enfant ont publié un communiqué pour faire part de leur «indignation» face à l’abandon «de ce qui devait être la mesure phare du projet de loi».
Présidente de l’association Mémoire traumatique et Victimologie, Muriel Salmona évoque «une trahison» du gouvernement. «Ce dispositif devait permettre de corriger une faille importante du Code pénal, qui définit le viol pour les adultes de même façon que pour les enfants, quand bien même ces derniers ne peuvent pas avoir de consentement», s’indigne cette psychiatre.
À l’origine, le gouvernement avait promis d’inscrire dans le Code pénal un âge limite de présomption de «non-consentement» des mineurs à un acte sexuel. Une prise de position qui faisait suite à deux décisions de justice largement médiatisées ayant mis en lumière cette zone grise du droit pénal: en septembre et novembre 2017, deux hommes, de 28 et 30 ans, avaient échappé à des poursuites pour viol après avoir eu des rapports sexuels avec des fillettes de 11 ans.
Un «texte citoyen»
Début 2018, le débat n’était plus de savoir si la mesure serait inscrite dans le projet de loi mais à partir de quel âge cette présomption devait s’appliquer: 13 ou 15 ans? Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, avait lancé une «consultation citoyenne nationale» et regroupé plusieurs médecins et magistrats pour dégager un consensus sur ce point. L’âge de 15 ans avait été retenu.
Mais, fin mars, dans un avis consultatif, le Conseil d’État a alerté le gouvernement sur le risque d’inconstitutionnalité de la présomption de non-consentement. La mesure pourrait en effet porter atteinte au principe de présomption d’innocence, si la charge de la preuve incombait à l’accusé. «Je ne suis pas constitutionnaliste», fait remarquer Marlène Schiappa, qui parle de son projet de loi comme d’un «texte citoyen. Nous assumons donc qu’il évolue sans cesse.»
Pour la secrétaire d’État, l’absence de définition d’un âge de consentement sexuel n’enlève rien à la force du projet de loi. Elle renvoie ainsi vers son article 2, qui précise que «la contrainte morale ou la surprise sur un mineur de moins de 15 ans, peuvent résulter de l’abus de l’ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes.»
Cette disposition laisserait donc au juge une large part d’interprétation. Une mesure «inutile» pour les associations d’aide à l’enfance, qui soulignent la difficulté pour les policiers ou les magistrats de questionner un enfant sur son consentement. «Avec cette disposition, quand un mineur de moins de quinze ans sera victime de relation sexuelle avec un majeur, on partira du principe qu’il y a eu viol», se félicite Marlène Schiappa. Avant de conclure: «L’objectif est rempli. Mais pas avec les mêmes mots qu’au début des discussions.»
Outrage, raids numériques: ces violences sanctionnées
Les #BalanceTonPorc et autres #MeToo auront désormais leur pendant législatif. Mercredi soir, l’Assemblée nationale a en effet adopté par un ultime vote le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Outre les nouvelles dispositions renforçant la répression des abus sexuels sur les mineurs, le texte prévoit quelques nouvelles dispositions en matière de harcèlement sexuel et moral.
Ces mesures, jugées insuffisantes par une partie de la gauche (La France insoumise) et de la droite (Les Républicains), devraient pourtant concerner de nombreuses femmes, puisque, selon l’Insee, une sur sept aurait subi une forme d’agression sexuelle au moins une fois dans sa vie. Le harcèlement couvre nombre de réalités diverses. Il s’agissait donc d’adapter l’arsenal répressif à ces formes de violences. L’objectif? Aider les victimes et punir les auteurs de ces infractions, qui «sauront davantage à quelles poursuites ils s’exposent», d’après le texte.
● Première nouveauté, l’avènement dans le Code pénal de la notion d’«outrage sexiste», considéré comme le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste jugé humiliant ou dégradant. Les auteurs de ces faits pourront être condamnés à plusieurs peines allant de l’amende (de 750 à 3000 euros) au stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes.
● Le harcèlement sexuel, à distinguer de l’outrage sexiste, notamment par sa nature répétitive, est un des fils conducteurs de ce projet de loi. Dans cette perspective, le texte est clair et décrit le harcèlement sexuel comme «le fait d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers». Il est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende.
● Fera également son apparition dans la loi la répression de l’«upskirting».Derrière cet anglicisme, une pratique couramment répandue chez les voyeurs et qui vise à filmer ou photographier sous les jupes de certaines femmes, avant, bien souvent, la propagation de ces images sur le Net. La sanction pour ce genre de comportement s’élève à deux ans d’emprisonnement et à 30.000 euros d’amende. L’exhibition sexuelle reste, quant à elle, condamnée depuis 1994 à 15.000 euros d’amende et à une année d’emprisonnement.
● Les raids numériques seront désormais, eux aussi, punis: l’article 3 du projet de loi s’adresse plus directement aux internautes et vise à dénoncer les cyber-harceleurs qui publient de manière ciblée des propos sexistes et violents proférés à l’encontre d’une seule et même personne. Ils seront sanctionnés de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. «Internet n’est pas une zone de non-droit, les harceleurs ne peuvent plus se cacher derrière l’impunité que leur confère un écran», a indiqué vendredi le cabinet de la secrétaire d’État Marlène Schiappa.
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