Ce document a été rédigé à Paris en 1912, par un informateur de l'Okhrana (la police secrète de l'Empire russe), Mathieu Golovinski. Il plagie le Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu de Maurice Joly, pamphlet satirique décrivant un plan fictif de conquête du monde par Napoléon III, pour décrire un programme élaboré par un conseil de sages juifs afin d'anéantir la chrétienté et dominer le monde.
L'auteur et ses commanditaires veulent convaincre Nicolas II et son gouvernement des méfaits d'une trop grande ouverture à l'égard des juifs de l'Empire, réputés comme les chantres inconditionnels de la vie moderne et intéressés au premier chef par un changement libéral de régime depuis que leur statut a été dégradé par les gouvernements conservateurs d'Alexandre III. L'empereur refuse de l'utiliser, estimant que ce texte discréditerait son action.
L'ouvrage réunit les comptes-rendus d'une vingtaine de prétendues réunions secrètes exposant un plan de domination du monde qui utiliserait violences, ruses, guerres, révolutions et s'appuierait sur la modernisation industrielle et le capitalisme pour installer un pouvoir juif mondial.
Adolf Hitler y fait référence dans Mein Kampf8 comme argument justifiant à ses yeux la théorie du complot juif et en fait ensuite l'une des pièces maîtresses de la propagande du Troisième Reich. Cet opuscule joue également un rôle clé dans la théorie du ZOG apparue dans les milieux suprémacistes blancs d'extrême droite aux États-Unis. Il est devenu aujourd'hui tout à la fois une figure emblématique de l'antisémitisme et de la falsification.
Les Protocoles des Sages de Sion, parfois surtitrés Programme juif de conquête du monde, paraissent en Russie en deux temps et deux versions : d'abord des extraits en 1903 dans le journal Znamia (Знамя), puis une version complète en 1905 éditée par le moine mystique Serge Nilus et, en 1906, par Gueorgui Boutmi, officier et écrivain nationaliste. Dès avril 1902, ils avaient fait l'objet d'un article dans Novoyé Vriemia. Il est possible qu'ils circulèrent d'abord sous forme manuscrite ou en impression artisanale.
Les Protocoles sont traduits en allemand en 1909 et lus en séance au Parlement de Vienne. Avec la Révolution d'Octobre en 1917 et la fuite de Russes antirévolutionnaires vers l'Europe de l'Ouest, leur diffusion s'élargit. Ils deviennent internationalement connus en 1920 lorsqu'ils paraissent en Allemagne (janvier).
La notoriété de l'ouvrage s'accroît à la faveur d'un article du quotidien britannique The Times. Dans son édition du 8 mai 1920, un éditorial titré Le Péril juif, un pamphlet dérangeant. Demande d'enquête évoque ce « singulier petit livre », et tend à démontrer le caractère authentique du texte en insistant sur sa nature de prophétie réalisée. Cet article est publié alors que les Russes blancs sont en train de perdre la guerre civile et que les « durs » du parti conservateur veulent discréditer les nouveaux maîtres du Kremlin en dénonçant une « Pax Hebraica ». Les thèmes des Protocoles sont repris au cours des années suivantes dans de nombreux ouvrages antisémites (polémistes, savants ou de fiction) publiés à travers l'Europe
Les premières traductions françaises sont publiées en 1920 et 1922 par le prêtre catholique Ernest Jouin dans la Revue internationale des sociétés secrètes sous le titre Les Protocoles de 1901 puis en 1921 par l'écrivain monarchiste Roger Lambelin et en 1924 par le journaliste antisémite Urbain Gohier sous le titre Les Protocoles des sages d'Israël.
Adolf Hitler y fait référence dans Mein Kampf8 comme argument justifiant à ses yeux la théorie du complot juif et en fait ensuite l'une des pièces maîtresses de la propagande du Troisième Reich.
Aux États-Unis, le constructeur automobile Henry Ford les diffuse à travers son journal The Dearborn Independent. Pour Ford les Protocoles des Sages de Sion sont un ouvrage « trop terriblement vrai pour être une fiction, trop profond dans sa connaissance des rouages secrets de la vie pour être un faux ». Les protocoles joueront également un rôle clé dans la théorie du ZOG apparue dans les milieux suprémacistes blancs d'extrême droite aux États-Unis
Dès leur publication, Les Protocoles sont suspectés d'être un faux : un an après avoir présenté l'opuscule comme véridique, le Timesde Londres revient sur le sujet, mais cette fois pour publier la preuve du faux sous le titre La fin des Protocoles. Jacques Bainville, dans l’Action française, reconnait la falsification vers 1921. Henri Rollin, membre du deuxième bureau français, publie en 1939 un ouvrage intitulé L'Apocalypse de notre temps (réédité aux Éditions Allia en 2005) qui montre le processus de création puis d'utilisation de ce texte par les courants d'abord pro-tsaristes, puis fasciste et nazi. Lors du procès de Berne de 1933 à 1935, les juges suisses reconnaissent la fausseté des Protocoles.
La confirmation définitive de la falsification des Protocoles est fournie en 1999 par l'identification de leur auteur, Mathieu Golovinski, dans les archives russes, par l'historien de littérature russe Mikhaïl Lepekhine.
Les historiens universitaires sont d'accord sur l'identification du faussaire, la structure du texte falsifié et l'analyse des causes de la falsification et il ne subsiste plus de doute sur ce document. Malgré tout, Les Protocoles des Sages de Sion sont encore mentionnés par des groupes antisémites, voire certains régimes, comme preuve de l'existence d'un complot juif international
Les Protocoles des Sages de Sion ont été rédigés à Paris en 19013 par un informateur de l'Okhrana (la police secrète de l'Empire russe), Mathieu Golovinski. Envoyé à Paris à l'époque de l'Alliance franco-russe, Mathieu Golovinski travaille au Figaro avec Charles Joly, le fils de Maurice Joly ; il exerce aussi ses talents auprès de Pierre Ratchkovski agent de la police politique russe (l'Okhrana) en France. Mathieu Golovinski connaît bien les techniques de la propagande pour avoir travaillé dans les années 1890 pour le Département de la presse à Saint-Pétersbourg.
Le tsar Alexandre II avait promu, au milieu du xixe siècle, une politique assez libérale, avec l'abolition du servage ou l'allégement des restrictions imposées au Juifs. Son successeur, Alexandre III revient, dans tous les domaines, à une politique autoritaire, pro-russe et pro-slave. En particulier, le statut des Juifs est de nouveau durci. C'est l'époque où la Russie connaît un extraordinaire développement industriel et financier qui devrait lui donner rapidement une puissance comparable à celle des États-Unis. Le fils d'Alexandre III, le faible Nicolas II, montre de la mollesse dans l'application d'une politique autoritaire. Les milieux conservateurs à la tête de la Russie veulent conforter l'empereur dans une politique de fermeté, en particulier à l'égard des Juifs, voire l'inciter à la durcir.
L'entourage conservateur de Nicolas II envisage divers procédés pour influencer le tsar. C'est ainsi que Ratchkovski commande à Golovinski un faux, Les Protocoles, destinés à l'origine à l'empereur seulement. Le texte, « authentifié » par le ministère de l'Intérieur malgré la réticence du plus proche conseiller de Nicolas II, le comte de Witte, se présente comme une preuve décisive d'un plan juif de domination du monde reposant sur la modernisation industrielle et financière.
L'antisémitisme du propos va de pair avec l'antimaçonnisme. Selon Pierre-André Taguieff, le titre en russe d'une des deux premières éditions en 1905 était Extraits des protocoles anciens et modernes des Sages de Sion de la société mondiale des francs-maçons » : il s'agissait de promouvoir l'image de « Sages de Sion, figures fictives du mythe anti-judéo-maçonnique ». L'auteur des Protocoles fait en effet dire aux Juifs : « La Loge maçonnique joue, inconsciemment, dans le monde entier, le rôle d'un masque qui cache notre but. »
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